Catherine Geslain-Lanéelle a le regard déterminé et le verbe facile. A 55 ans, cette ingénieure agronome est la première femme à se présenter à la direction de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Elle a quitté son poste au ministère de l’Agriculture, pour se lancer dans cette campagne, dont le vote aura lieu le 22 juin avec les 194 pays membres de l’organisation. Cinq candidatures sont déclarées : la Chine, l’Inde, le Cameroun, la Géorgie et la France (pour l’Union européenne).

Pourquoi prétendez-vous prendre la tête de la FAO ?

Ces dernières années, la faim dans le monde est repartie à la hausse. Plus de 821 millions de personnes en souffrent, alors qu’on produit suffisamment pour les nourrir. 2 milliards de personnes sont atteintes de sous-nutrition. Et 1,9 milliard d’humains vivent en surpoids ou obèses. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la population continue d’augmenter et que dans beaucoup de régions la qualité de l’eau et des sols est dégradée. Le dérèglement climatique est déjà ressenti par les agriculteurs. Cependant, je ne suis pas pessimiste. Des progrès ont été accomplis : l’humanité a triplé sa production alimentaire en cinquante  ans. Mais si on continue à dégrader nos ressources, nous ne pourrons plus produire de quoi nous nourrir dans quarante ans.

Selon vous, que doit faire au plus vite la FAO ?

Une des priorités est la réduction des pertes et du gaspillage. De 40 % à 50 % des produits alimentaires et agricoles produits sont jetés ou gaspillés. Malgré cela, en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est, on a besoin d’accroître la productivité. Les rendements y sont sept à dix fois inférieurs à ce qu’ils pourraient être en gardant des pratiques durables. L’agriculture a une faculté fabuleuse : si les usages sont bien conduits, non seulement ils ne détériorent pas mais améliorent la qualité du sol et de l’eau.

Que faire contre le manque d’attractivité du secteur agricole ?

Plus d’investissements publics et privés doivent être débloqués dans les pays en développement pour créer des emplois et offrir un autre avenir aux jeunes des zones rurales que de migrer vers les villes ou d’autres continents. Un lien fort existe entre paix, sécurité et alimentation. On a besoin de rendre ces secteurs plus rentables pour attirer des travailleurs plus jeunes.

Soutenez-vous une réduction de l’utilisation des pesticides ?

C’est nécessaire dans certains pays, mais dans les situations où tous les recours ont été épuisés, cela reste une solution pour assurer une sécurité alimentaire.